Abstracts du hors-série 15 de la revue hypnose et thérapies brèves.
Que ce soit par l’EMDR, l’hypnose, l’HTSMA, la TLMR, les MAP, dans ce numéro de la revue hypnose et thérapies brèves, (basé sur les thèmes du colloque de décembre 2020 et enrichi de nouvelles perspectives), il est abordé les peurs et les phobies sous différents angles.
Cela nous permet de mieux comprendre les contextes relationnels qui favorisent l’apparition de ces troubles. Une distinction essentielle est faite entre trauma et situation angoissante, ainsi qu’entre l’angoisse d’anticipation post-traumatique et celle sans trauma.
L’accent est mis sur l’importance de la relation thérapeutique, l’empathie, l’humour et la créativité pour initier le changement. Les tentatives de solution des patients (évitement, contrôle, demande d’aide) renforcent leur sentiment d’impuissance. En bloquant ces comportements et en réorientant les conversations vers les valeurs, il est possible de dissoudre les contradictions internes qui alimentent leurs angoisses et rétrécissent leur espace de vie.
Les cas cliniques présentés montrent comment des changements rapides peuvent survenir, même dans des histoires de longue date, ce qui surprendrait un observateur habitué à une approche plus classique. L’hypnopathologie, qui s’intéresse aux solutions plutôt qu’aux problèmes, est mise en valeur dans de nombreux contextes. Elle permet de transformer les croyances limitantes et de faire évoluer les patients, non en cherchant à éviter les contraintes, mais en les confrontant à leur ressenti pour réactiver leur autonomie.
La peur découle souvent de relations insécures qui limitent la créativité et renforcent la suggestibilité des patients. Les stratégies d’évitement, bien qu’intuitivement adoptées pour échapper à la douleur, aggravent en réalité le problème. Les articles explorent différentes manières d’aborder des phobies comme celle de l’avion ou des piqûres, tout en s’enracinant dans une compréhension commune du processus thérapeutique.
L’article de Vera LIKAJ explore la disparition de l’insouciance dans le contexte de la crise sanitaire, un thème récurrent en consultations. Dans un monde qui banalise et disqualifie les émotions, comment faire face à la peur ? La tentation est de vouloir tout contrôler et éviter la douleur en anesthésiant les peurs et en gérant les risques, mais cette approche ne fait qu’alimenter l’inquiétude. L’illusion de maîtriser l’imprévisible grâce aux sciences et technologies, ainsi que la volonté d’avoir réponse à tout, accentuent la peur et laissent peu de place à l’insouciance et à la spontanéité.
La pandémie devient une métaphore de cette dynamique : agir sans ressentir conduit à un cycle de tentatives de solutions qui étouffent la vitalité et minent la résilience. Notre mode de vie moderne, malgré l’hyperconnectivité, nous isole en empêchant de véritables rencontres et de ressentir pleinement nos besoins et valeurs. Pour vivre intensément, il est nécessaire d’accepter la peur comme un signal nous rappelant l’imprévisibilité de la vie. En accueillant la peur, les patients peuvent mieux s’ajuster au monde, apprendre à abandonner les croyances et espoirs vains, et redécouvrir l’insouciance.
Dans son article, Eric Bardot explore la distinction entre les peurs anticipatoires et le psychotraumatisme. La peur, une émotion essentielle, devient traumatisante lorsqu’elle dépasse notre capacité d’action, entraînant des sentiments d’effroi et de terreur. Les traumatismes surviennent après des expériences intenses et imprévisibles, tandis que les peurs anticipatoires concernent la crainte de revivre ces événements dans le futur. Ces dernières sont liées à des représentations mentales, entraînant des troubles phobiques et obsessionnels. Bardot illustre cette différence à travers des cas cliniques, notamment celui d’un convoyeur de fonds traumatisé par une attaque, qui a ensuite développé des peurs anticipatoires liées à son retour au travail. L’article montre comment ces peurs anticipatoires affectent l’autonomie et peuvent être travaillées en thérapie pour réorienter la vie du patient.
Maxime Bellego: peurs et rsiques psychosociaux au travail. Cet article traite des peurs et des risques psychosociaux liés aux transformations du monde du travail. Depuis quelques décennies, le travail a évolué, avec des rythmes accélérés et une insécurité croissante concernant l’emploi, menant à des crises comme les suicides chez France Télécom. Les risques psychosociaux, définis en 2011, incluent les conditions de travail qui affectent la santé mentale, physique et sociale. Les entreprises sont désormais tenues de mesurer ces risques à travers des indicateurs tels que les exigences émotionnelles, le manque d’autonomie et les conflits de valeurs. Le travail moderne, marqué par la mondialisation et la privatisation, a perdu en sens, se concentrant davantage sur la rentabilité que sur la qualité du service. Les travailleurs expriment des peurs variées, allant de la perte d’emploi à la crainte de ne pas atteindre les objectifs ou d’être jugés.
Jean-Marc Benhaiem: Phobies et autres peurs ancrées. Les phobies se définissent comme des peurs irrationnelles d’objets ou de situations. Paul Watzlawick, dans son livre Faites vous-même votre malheur, illustre comment ces peurs se maintiennent, souvent par des comportements d’évitement, qui, au lieu de résoudre la peur, la perpétuent. Il donne l’exemple humoristique d’un homme jetant de la poudre anti-éléphants par la fenêtre d’un train, convaincu de son efficacité parce qu’il n’y a pas d’éléphants. Watzlawick montre que l’évitement d’une peur irrationnelle solidifie le problème, et propose d’accepter le danger ou l’incertitude pour mieux y faire face. Il suggère une approche réaliste, où l’on agit sur les risques que l’on peut maîtriser, tout en acceptant ceux que l’on ne peut contrôler, ouvrant ainsi la voie à une guérison.
Angoisse et hypnose en gériatrie. Dr Jérôme Bocquet. L’angoisse, y compris sous forme de phobies, est fréquente en gériatrie, particulièrement dans le syndrome “post-chute” où la peur de marcher après une chute devient paralysante. Les thérapies brèves et l’hypnose sont des outils utiles pour gérer ces peurs chez les résidents d’Ehpad, souvent atteints de troubles cognitifs et souffrant d’anxiété ou de dépression. Dans ces contextes, l’accompagnement relationnel joue un rôle crucial. L’hypnose permet d’établir une alliance thérapeutique, aidant les patients à reprendre confiance et à surmonter leurs peurs.
La peur de soi dans le processus de guérison. Pascale Chami. Dans le processus de guérison, la peur de soi-même surgit lorsque le symptôme, comme des tics ou une phobie, devient une partie de l’identité. Les patients redoutent souvent la perte de ce symptôme, car cela les confronte à un nouveau soi. À travers l’hypnose, ils sont invités à se découvrir sans cette “carapace”, mais cela peut provoquer une peur profonde de perdre le contrôle ou de se retrouver face à des aspects cachés de leur être. Le chemin de guérison est alors une rencontre avec soi-même, acceptant ses failles, et évoluant sans perdre l’essence de son identité.
La contrainte comme levier de changement ? Pr Olivier Cottencin. La contrainte, souvent perçue comme un obstacle au changement, peut devenir un levier de transformation en matière d’addictions. Les patients, souvent contraints de consulter par des tiers ou par des situations implicites, résistent initialement par peur et manque de motivation. Cependant, le modèle motivationnel montre que le changement est un processus progressif, influencé par les interactions avec le thérapeute. Plutôt que de forcer, il est essentiel de respecter les mécanismes de défense du patient et de valider la contrainte, en centrant le discours sur la réalité pour engager une démarche de soin adaptée.
Croyances et anxiété. Dr Yves Doutrelugne explore des outils thérapeutiques pour aborder les croyances des patients, avec ou sans hypnose. Il identifie quatre croyances clés associées à l’anxiété : la pensée dichotomique “tout ou rien”, les obligations internes, le besoin d’être aimé et compris, et le perfectionnisme. Doutrelugne propose des interventions telles que le questionnement, l’utilisation d’échelles de valeurs, les métaphores de progression et les thérapies brèves comme les Mouvements alternatifs pluriels (MAP). Le travail sur les croyances permet aux patients de réinterpréter leurs expériences passées et d’initier des changements positifs dans leur perception et leur comportement.
Faire corps avec la peur : La clinique de l’étrange, Nathalie Lampole explore l’accompagnement des personnes autistes, décrivant leur perception différente du monde, souvent marquée par des difficultés à comprendre et à anticiper les situations. L’autisme provoque une relation fragile à l’autre et un sentiment de peur intense face à un environnement perçu comme imprévisible. Elle prône une approche bienveillante et patiente, où les accompagnants prennent le temps d’observer et d’interagir, permettant à la personne autiste de s’exprimer autrement que par la parole. Ce travail d’écoute permet de développer une relation sécurisante et d’aider à surmonter les peurs profondes.
Du lâche au héros : Revenir doucement à soi-même. Vera LIKAJ aborde la peur, souvent perçue comme un handicap par les patients. Elle souligne que, loin d’être à éviter, la peur est un signal émotionnel essentiel qui incite à l’action et convoque le courage. Les tentatives d’élimination de la peur, telles que la prise d’anxiolytiques, entraînent souvent une cycle d’évitement et de victimisation. Elle questionne également l’influence des récits sociétaux et familiaux qui associent peur à faiblesse. Elle plaide pour un changement de perspective, où la thérapie peut recontextualiser la peur comme une alliée, permettant aux individus de redécouvrir leur résilience et d’écrire une nouvelle histoire personnelle.
La peur de la peur : Retrouver des sensations qui nous guident. Dr Emmanuel Malphettes. Une patiente exprime son désir d’échapper à ses pensées perturbantes et à un mal-être physique. Le thérapeute lui explique que les sensations corporelles sont des indicateurs d’un déséquilibre relationnel, provoquant des mouvements pour retrouver l’équilibre. La patiente, subissant du harcèlement au travail, ressent un manque de soutien de ses collègues, exacerbant son sentiment d’abandon. Cette lutte contre ses sensations et pensées intensifie son mal-être. Le thérapeute propose d’explorer des stratégies d’engagement relationnel pour valider ses ressentis et introduire des soutiens sécurisants, soulignant l’importance de l’alliance thérapeutique. En acceptant ses sensations et en renouant avec son corps, la patiente peut envisager un changement positif.
Thérapie brève des phobies. Dr Dominique Megglé qui explore les méthodes de Milton H. Erickson pour traiter les phobies, en mettant l’accent sur la simplicité des principes sous-jacents. Il illustre cela par une anecdote où une passagère d’avion, paralysée par sa peur, reçoit une suggestion humoristique et inattendue pour gérer son angoisse. Megglé souligne que les phobies ne sont pas innées, mais se développent à partir de suggestions reçues dans des états d’hyper-suggestibilité, souvent liés à la fatigue ou à l’anxiété. Il décrit les mécanismes de dissociation que les phobies engendrent, causant une souffrance et un raisonnement interminable chez les patients. La clé de la thérapie est d’engager le patient dans une confrontation directe avec son stimulus phobogène, tout en utilisant des stratégies variées pour stimuler des émotions contraires à la peur. Enfin, il fait la distinction entre différents types d’événements traumatisants qui peuvent être à l’origine des phobies, soulignant l’importance d’un traitement approprié en cas de traumatisme sous-jacent.
Peurs à l’école. Emmanuelle Piquet qui met en lumière l’importance de comprendre et d’apprivoiser les peurs des enfants dans le milieu scolaire. Elle souligne que la peur, bien que souvent douloureuse, peut aussi devenir une source de motivation, comme le montre l’exemple du trac avant un examen. Cependant, cette émotion peut provoquer des blocages et des échecs, comme l’illustre le cas de Mina, qui lutte contre une boule de stress qui l’empêche de réussir ses évaluations. En tant que thérapeute, elle propose des stratégies pour transformer cette peur en un allié plutôt qu’un frein, en invitant les enfants à faire face à leurs angoisses. Tom, quant à lui, doit surmonter une expérience traumatisante avec sa maîtresse pour retrouver la confiance nécessaire à l’oral. Les témoignages de ces enfants illustrent que le chemin vers la gestion de la peur est complexe, mais essentiel pour leur épanouissement à l’école.
L’hypnose, un outil de gestion des phobies. Que nous apprend la recherche ? Audrey Vanhaudenhuyse et Pr Marie-Elisabeth Faymonville. L’hypnose est reconnue comme un outil prometteur pour la gestion des phobies, permettant aux individus de retrouver un contrôle sur leurs réactions face à des situations anxiogènes. Les phobies, caractérisées par une peur irrationnelle, impactent profondément la vie quotidienne et peuvent provoquer des réponses physiologiques intenses. L’hypnose, souvent combinée avec d’autres techniques comme la désensibilisation, a montré des résultats positifs dans le traitement de diverses phobies, y compris la phobie dentaire et la peur des aiguilles. Bien que les études aient été limitées, des résultats encourageants indiquent que l’hypnose peut réduire l’anxiété et les comportements d’évitement. Des recherches sur l’hypnotisabilité suggèrent qu’elle peut influencer l’efficacité de l’hypnose, mais il n’existe pas de consensus clair à ce sujet. Enfin, une compréhension neuroscientifique des effets de l’hypnose sur les phobies est encore en développement, nécessitant des études supplémentaires pour confirmer ces bénéfices.
Addictions et anxiété. David Vergriete explore la relation complexe entre conduites addictives et troubles anxieux, soulignant leur circularité systémique. Les addictions peuvent naître d’une quête d’apaisement face à des peurs, mais une fois installées, elles génèrent également de l’anxiété, aggravant souvent des états dépressifs. Le traitement des addictions peut atténuer les troubles anxieux, mais ces derniers, avec une comorbidité dépassant 50 %, nécessitent une approche thérapeutique spécifique. Il évoque comment les addictions peuvent figer le développement psychoaffectif, empêchant le traitement d’événements de vie et limitant la capacité de l’individu à établir des relations authentiques. Il met en lumière l’importance d’une alliance thérapeutique qui offre un espace de sécurité, permettant au patient de renouer avec son autonomie et de tisser de nouveaux liens sociaux, tout en soulignant la nécessité d’un sevrage face à des habitudes profondément ancrées. Enfin, il insiste sur le fait que les conduites addictives, bien qu’initialement perçues comme des solutions, finissent par restreindre l’accès à une vie épanouie.